Loin de s’amender, le pouvoir en place pense qu’il n’a pas été suffisamment arbitraire dans la gestion des affaires du pays. Plus que le refus d’agrément de nouveaux partis politiques, les
autorités regrettent presque de n’avoir pas gelé les activités des formations existantes.
«Si nous avions appliqué la loi, la plupart des partis seraient suspendus pour non-respect de la réglementation», a déclaré jeudi dernier le ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, lors d’une
conférence de presse. Les interdictions de réunions, de manifestations et les bastonnades contre les députés ne sont finalement pas les pires traitements pouvant être infligés aux partis qui
tentent de faire avancer les luttes politiques de façon pacifique.
La suspension des activités peut donc être brandie par les autorités en toute bonne conscience, si l’on se fie aux dernières déclarations officielles. Bien entendu, ce ne sont pas les parrains du terrorisme, condamnés par la justice, mais continuant à lancer des déclarations de guerre dans les prêches hebdomadaires, filmés et diffusés sur internet, qui risquent d’être soumis à la rigueur de la loi. Ce sont les partis de l’opposition démocratique, refusant de souscrire à l’agenda présidentiel, qui sont visés par les mises en garde des autorités. Après la répression policière et une stratégie implacable d’étouffement, le pouvoir en place caresse le rêve de rayer de la carte politique ces partis empêcheurs de tourner en rond. Les motifs d’absence de bilans annuels et de non-régularité des congrès invoqués par le ministre restent à établir et sont, du reste, beaucoup moins graves que la corruption institutionnalisée, les fraudes électorales massives et une politique durable de paupérisation et d’embrigadement de la société. La réédition de nouvelles affaires de «bons de caisse» pour neutraliser des esprits libres et des opposants n’est pas prometteuse d’un renouveau politique dans le pays.
En matière de rupture avec les méthodes du passé, l’opinion générale dans le pays ne penche guère vers l’optimisme. Les consultations politiques en cours tournent à une pathétique introspection
du pouvoir qui n’arrive même plus à s’entendre avec lui-même. Des personnalités qui ont eu à assumer des responsabilités au niveau gouvernemental prédisent le «choc» ou le «chaos» si le pouvoir
persiste dans cette démarche de réformes unilatérales, par le biais de simples réaménagements dans le discours et les lois. Le système en place réussira, au mieux, à résorber sa crise interne.
Celle du pays reste entièrement posée.